Chinese Man en septembre 2023.

Interview : Chinese Man

Publié le 21 mars 2024

Le collectif français revient sur la confection de son nouvel album ‘We’ve Been Here Before’ et ses 20 ans de carrière.

Retour en force pour Chinese Man ! Au début du mois, le trio originaire du Sud de la France dévoilait son troisième album studio ‘We’ve Been Here Before’. Un disque pensé comme une célébration des 20 ans de carrière du collectif qui a marqué les deux dernières décennies avec sa musique entre hip-hop, trip-hop, dub, électro ou reggae. Loin de s’arrêter en si bon chemin, Chinese Man a décidé comme à son habitude de prolonger les festivités sur scène avec un tout nouveau live show et une nouvelle tournée dont le coup d’envoi a été donné il y a quelques jours à Toulouse. Une nouvelle aventure qui emmènera Chinese Man à travers toute la France avec des crochets en Belgique et en Suisse et une date très attendue à Paris à l’Olympia le 20 avril. Et dans ce programme très chargé, le groupe a tout de même pris le temps de répondre à nos questions. L’occasion de se repencher sur ses 20 ans de carrière et de nous livrer les secrets de fabrication de ‘We’ve Been Here Before’ et de cette nouvelle tournée.

‘We’ve Been Here Before’ est “seulement” votre troisième album studio en 20 ans de carrière. Quel est votre rapport au format album et qu’est-ce qui vous a motivé à retourner à cet exercice ?

On prend beaucoup de temps pour travailler nos projets c’est vrai, d’abord parce que nous sommes trois et que le processus est assez long, qu’on est un peu tous des perfectionnistes et que on est tout simplement assez lent … (rires) On aime beaucoup le format album, il nous représente assez bien pour le côté récit. Après notre dernier gros projet, on a fait une petite pause, on en a profité pour développer un peu nos projets solos, le temps que le désir de se retrouver revienne. Puis à la fin de l’année 2020, on s’est organisé une petite session tous les trois pour travailler sur quelques idées de maquettes, on a passé un super moment alors on a décidé d’y retourner !

Comment avez-vous abordé la confection de ce disque ? Est-ce que vous aviez dès le début une ligne directrice ou avez-vous fait de la musique pour voir après comment en dégager un ensemble cohérent ?

Notre processus de création repose sur le sampling, on met de côté plein de sons qu’on va se faire écouter, puis on en choisit certains qu’on aime tous les trois pour commencer à travailler. Ensuite ça se fait par couche, étape par étape on ajoute des éléments : rythmiques, une ligne de basse, quelques mélodies, des petits traitements, des effets… Session après session on crée des maquettes et puis on revient dessus pour commencer à imaginer des choses, des collaborations… Les premières idées de thématiques sont arrivées assez vite, notamment celle du cycle, du « déjà vu ».

Il y a toujours eu dans votre musique une approche très collective. C’est encore le cas avec cet album où vous vous êtes entourés de différents invités dont Général Elektriks qui a également assuré les arrangements des claviers sur le disque. Comment s’est fait cette rencontre et comment avez-vous intégré Général Elektriks à votre processus créatif ?

Pour cet album et comme souvent pour nos projets, on essaie d’améliorer et d’enrichir notre processus, de s’entourer d’artistes qui nous inspirent et avec qui on a envie de travailler. C’est le cas d’Hervé Salters de General Elektriks avec qui dès début on a imaginé des séances de travail. Mais nous avons aussi fait appel Gilles Alonzo, qui a fait un énorme travail d’écriture et de composition destiné à un orchestre symphonique.

Parmi les autres invités, on retrouve aussi bien des habitués de la sphère Chinese Man que des artistes plus émergents comme KT Gorique ou Isadora. Est-ce qu’il est important pour vous d’effectuer ce “travail de veille” et de toujours rester à l’affût de ce qui se passe sur la scène musicale ?

Ça nous semble primordial, on essaie vraiment de garder une oreille sur les artistes émergents, les nouveaux styles de musique, aussi parce que on vient du monde des DJs et qu’on dig beaucoup !

D’ailleurs après 20 ans de carrière, comment arrivez-vous à trouver l’équilibre entre  rester fidèles à votre identité musicale et réussir à la renouveler, voir la faire évoluer pour proposer quelque chose de nouveau ?

Nous sommes tous les trois assez curieux dans le domaine de l’art et de la culture en général.. on fait chacun des démarches perso pour rester le plus connecté à la musique qui nous plaît, le projet Chinese Man est un projet spécial pour nous, il y a une sorte de magie qui s’opère quand on bosse ensemble, on sait pas trop l’expliquer mais on a trouvé un son en travaillant ensemble. On essaie d’évoluer sans forcément prendre en compte toutes les tendances, mais en étant plutôt connecté à ce qui nous plaît à tous les trois. Ça s’accompagne aussi de l’univers graphique et scénographique qu’on crée à chaque fois et qu’on essaie de faire évoluer.

J’évoquais votre identité musicale. Je pense que pour beaucoup d’auditeurs il y a un son, une formule Chinese Man. Est-ce qu’à un moment cela a aussi pu être une contrainte pour vous et est-ce que vous avez eu peur d’être d’une certaine manière enfermés/limités à une certaine case ?

On n’a jamais vraiment senti un enfermement, même si parfois naturellement les gens aiment créer des catégories (ce qu’on fait toutes/tous…) à l’époque de notre titre ‘I’ve got that tune’, on voulait nous mettre dans une catégorie, puis rapidement avec un titre comme ‘Get Up’, on est passé à autre chose… mais cette histoire de magie issue de notre processus nous permet vraiment de créer une identité un peu multiple qu’on garde précieusement.

Ce disque c’est donc l’occasion pour vous de revenir sur deux décennies d’activité. En 20 ans, le monde de la musique a beaucoup changé. Lorsque l’on regarde certaines évolutions, certaines modes, etc., comment vous sentez-vous aujourd’hui dans cet écosystème de la musique ? Est-ce que vous arrivez toujours à y trouver votre place ?

On se sent forcément parfois un peu dépassé par la vitesse à laquelle les choses évoluent, mais y a aussi un contrecoup de ce côté-là car la capacité à concevoir des projets qui perdurent est assez rare. On passe beaucoup de temps à développer les projets, à mettre de l’énergie pour délivrer de la bonne musique, il y aura toujours des gens qui prendront soin de se sentir aligné avec leur musique dans un environnement qui leur correspond. Le label que nous avons créé il y a 20 ans a traversé beaucoup de choses.

Sur une dimension plus économique, il y a eu une évolution majeure au cours de ces 20 dernières années c’est celle du streaming (avec tous les débats qu’elle entraine sur la question de la rémunération des artistes notamment). Est-ce que vous avez l’impression que c’est plus facile d’être des artistes indépendants aujourd’hui ou non ?

Disons qu’aujourd’hui tu peux facilement produire et distribuer ta musique sans passer par du démarchage et d’attendre d’être validé. Ce qui ne signifie pas pour autant que ton projet va te permettre de vivre. Dans notre conception, on met un point d’honneur à garder cette indépendance en gérant à 360 degrés notre projet. En imaginant des activités qui permettent de garder une bonne visibilité sur la suite. C’est beaucoup de travail, une grosse équipe s’occupe de maintenir toutes ces missions, donc ça ne nous semble pas plus facile d’être indépendant mais peut-être plus important de l’être pour garder une capacité de créativité très libre.

Est-ce que, lorsque vous jetez un œil à ces 20 années passées, vous êtes nostalgiques de certaines périodes ?

Pas vraiment…

Avec votre nouvel album, vous vous présentez pour la première fois sans “artifice”, sans vos avatars virtuels. Qu’est-ce qui a motivé cette démarche et comment avez-vous su que c’était le bon moment pour le faire ?

Ça nous semblait important et le bon moment, nous avons justement eu envie de montrer que ce projet est fabriqué par trois artistes, qu’on a composé ensemble ces 20 dernières années tout en se nourrissant chacun de nos expériences personnelles. Sortir d’une forme de zone de confort et assumer notre projet artistique.

Vous allez bien évidemment célébrer ce nouvel album et vos 20 ans de carrière avec une grande tournée. A quoi peut-on s’attendre pour ce nouveau show ?

On sera sans doute sur la route durant ces deux prochaines années. Le show est assez complet, nous sommes entourés d’une section cuivre, de 2 MC (Stogie T et Youthstar) et avons généré un univers visuel et scénographique assez fort à l’aide de notre équipe. On aime bien plonger le spectateur dans notre univers, la vidéo aide aussi à cette immersion. On réserve aussi quelques petites surprises pour certaines versions.

On sait que la dimension scénique a toujours été très importante pour vous. Comment justement avez-vous travaillé sur cette nouvelle tournée ? Est-ce que pour vous c’est un exercice qui nécessite autant de temps, de préparation, etc. qu’un disque ?

Nous passons beaucoup de temps à préparer nos versions live, plusieurs mois ont été nécessaires pour créer ce nouveau spectacle, c’est vraiment important de pouvoir jouer nos morceaux on imaginant parfois une nouvelle orchestration, des changements rythmiques, des interventions… nous nous sommes faits aider par Supa Jay de Scratch Bandits crew pour la construction et l’écriture du live. L’équipe vidéo et lumière joue un immense rôle.

En 20 ans vous avez voyagé dans le monde entier, vous avez enchainé les dates, etc. et vous continuez toujours de le faire. Est-ce qu’à un moment, avec le temps qui passe, etc., se pose aussi la question du rythme des tournées et de ce mode de vie passé sur les routes ?

Oui, c’est clairement un sujet, mais c’est un sujet qui est là depuis le début car nous essayons d’organiser au mieux notre temps entre cette activité, cette passion, ce mode de vie, et nos vies personnelles. Nous avons eu beaucoup de chance car assez rapidement les propositions de tournées (à l’étranger et en France) nous ont fait découvrir les multiples facettes de ce que représente la vie sur la route, les rencontres, les lieux, les festivals. On a pu assez vite réajuster nos plannings.

Est-ce qu’il y encore a des lieux où vous rêveriez de vous produire ?

Nous avons eu l’occasion de jouer en Amérique du Sud mais on aimerait poursuivre ce voyage, jouer au Mexique par exemple.

D’ailleurs après 20 ans de carrière, est-ce que vous avez encore des rêves, des objectifs que vous aimeriez atteindre ou est-ce que le temps a modifié ce rapport plus “carriériste” du métier d’artiste ?

Il semblerait qu’avec le temps nos désirs sont moins en lien avec l’ambition d’une carrière où l’égo est au centre de tout. On a surtout envie de prendre du plaisir à créer, de rencontrer des artistes, de mettre du sens et de la légèreté dans ce que nous faisons.

Quelle est la suite pour vous maintenant ?

Faire découvrir ce nouvel album à travers le live et planter des petites graines pour d’autres projets. S’occuper de nous, de notre label. La liste est longue.

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