Fred Again.., l’un des producteurs et musiciens les plus captivants de la scène électronique actuelle, est revenu avec un projet tranchant avec ses précédents opus. Son nouvel album « Ten Days », sorti le 6 septembre 2024, explore dix jours cruciaux de sa vie, chacun encapsulé dans une chanson. S’il ne parvient pas toujours à capturer l’intensité émotionnelle qu’il ambitionne, ce disque démontre néanmoins la maîtrise de Fred Again.. en tant que producteur et compositeur.

Dans « Ten Days », Fred Again.. se détourne des événements spectaculaires qui caractérisent souvent la musique pop et électronique pour se concentrer sur des moments simples, mais significatifs. Fred lui-même explique que cet album est une tentative de capturer les petites choses qui, avec du recul, s’avèrent être les plus marquantes : « Ces chansons sont sur dix jours qui m’ont façonné, mais ce ne sont pas des grands moments. Ce sont des moments calmes et intimes. »
Tout au long de l’album, chaque morceau devient une petite fenêtre sur des fragments de vie. La simplicité de l’émotion devient la force motrice, rendant l’écoute personnelle et introspective. À travers des textures sonores délicates et des voix échantillonnées – une marque de fabrique de Fred Again.. – « Ten Days » nous permet de partager des moments de fragilité et de beauté.

Un éventail de collaborations

Comme à son habitude, Fred Again.. a su rassembler un casting impressionnant d’artistes. « Ten Days » se distingue par des collaborations avec des noms variés tels que Skrillex, Four Tet, Anderson .Paak, et même Emmylou Harris. Ce mélange d’artistes issus de genres très différents ajoute une richesse sonore incontestable. « Glow », une pièce instrumentale collaborative qui évoque des influences techno à la « Rez » d’Underworld, est un des moments phares de l’album.
Mais l’utilisation systématique de l’auto-tune sur les voix de ses invités, notamment Sampha et Emmylou Harris, soulève des interrogations : bien que créative par moments, cette technique semble parfois superflue.
Sur le plan musical, « Ten Days » s’éloigne légèrement des rythmes frénétiques de la house et de la techno pour lesquels Fred Again.. est connu. Au lieu de cela, l’album propose des morceaux plus lents, les mélodies sont moins grandioses, laissant davantage de place à la réflexion.
L’utilisation de fragments vocaux non chantés – messages vocaux, conversations de studio, ou même des vœux d’anniversaire – renforce l’aspect quotidien et intime de l’album. Toutefois, certains de ces ajouts, qui rappellent « Dark Side of the Moon » de Pink Floyd, paraissent anecdotiques, réduisant parfois leur impact émotionnel.

Un succès assuré

L’album plonge dans une atmosphère de mélancolie diffuse, parfois captivante, mais souvent indéfinissable. Les interludes instrumentaux, souvent brefs, s’enchaînent sans permettre un véritable détachement entre les morceaux, donnant à l’album un flux continu mais parfois insaisissable. Des morceaux comme « Ten » ou « Fear Less » associent rythmes à quatre temps et mélancolie avec une certaine réussite, tandis que « Peace U Need » et « Places to Be » apportent des moments de pure euphorie, brisant temporairement cette tristesse ambiante.
Malgré cette lourdeur émotionnelle, l’album semble parfois manquer de profondeur véritable. Là où Fred Again.. tente d’aborder des thèmes introspectifs, les paroles et les ambiances semblent souvent vagues, comme s’il cherchait à exprimer des idées complexes mais ne parvenait pas tout à fait à les formuler. Cette mélancolie « polyvalente », qui se retrouve tout au long de l’album, peut séduire un public cherchant une musique d’ambiance émotionnelle, mais elle laisse parfois un vide là où l’on aurait espéré plus de clarté et de force narrative.
Avec cet album, Fred Again.. ne semble néanmoins pas en danger de perdre son statut de star montante des festivals et des scènes électroniques. Si « Ten Days » n’est pas l’album
révolutionnaire qu’on pourrait attendre de lui, il reste une œuvre solide qui montre sa capacité à naviguer entre les genres tout en maintenant une place de choix dans la musique populaire.

Hugo Bouqueau