BAMBII a livré « Infinity Club II », ce vendredi 20 juin, un manifeste club queer et diasporique, porté par une alliance féroce de voix féminines et racisées venues du monde entier.
La musique de BAMBII n’a pas besoin de crier pour déranger. Elle avance à pas feutrés dans un monde saturé de formats, écartant les codes, contournant les cases, traçant un sillon personnel et radical. Avec « Infinity Club II », sorti vendredi 20 juin 2025 chez Because Music, la productrice canadienne d’origine jamaïcaine livre une suite ambitieuse à un premier volume qui avait déjà marqué les esprits. Mais ici, tout est plus dense, plus précis, plus organique. Et surtout, tout est politique — même la fête.
Ce n’est pas une compilation, ni un album à concept, encore moins une vitrine d’ego. C’est une conversation — polyphonique, diasporique, traversée par des voix venues d’ailleurs mais qui parlent de maintenant. Des voix féminines, des voix queer, des voix issues de minorités racisées, des voix qui ont quelque chose à dire et qu’on laisse enfin résonner. À l’écoute, on sent que rien n’a été laissé au hasard : chaque featuring est un geste. Ravyn Lenae, Jessy Lanza, Yaeji, Aluna, Lamsi, SadBoi, Scrufizzer, BEAM, Lady Lykez… Ce ne sont pas des ornements, ce sont des éclats de récit.
Sans frontière
Mais ce qui impressionne surtout, c’est cette capacité qu’a BAMBII à articuler une esthétique du club avec une conscience de l’époque. Elle connaît les codes, elle sait les manier — dancehall, grime, techno, jungle, bass music, reggaeton — mais elle ne s’y abandonne jamais entièrement. Elle les plie à ses besoins. Elle construit un territoire musical où l’énergie n’est jamais gratuite, où chaque drop est un coup de semonce, et chaque silence, un moment de tension.
C’est une musique faite pour le corps, mais qui ne laisse jamais l’esprit derrière. Les textures sont tantôt abrasives, tantôt liquides. Il y a du glitch, du beat cassé, des nappes vaporeuses, des syncopes inattendues. Rien ne roule sur des rails. On est constamment déplacé, surpris, interpellé. Et c’est précisément cette instabilité, cette porosité, qui rend l’écoute captivante. « Infinity Club II » est un disque qui respire, qui pulse, qui vit.
Multi-facettes
BAMBII ne cherche pas à imposer une ligne claire : elle préfère multiplier les angles. Son club est infini, justement, parce qu’il ne se referme pas sur une esthétique ou un genre. Il accueille, il absorbe, il réinvente. C’est un espace de liberté, mais aussi de revendication. Car dans ce disque, la musique ne se contente pas de faire danser : elle interroge, elle résiste, elle raconte.
Lire aussi. Berlin : le club Renate touché par un incendie dans la nuit
On pense à SOPHIE pour la liberté formelle, à Kelela pour la sensualité politique, à M.I.A. pour l’insolence rythmique. Mais BAMBII est ailleurs. Plus furtive, plus grave, parfois plus tendre. Elle ne cherche pas à dominer le dancefloor : elle l’écoute, elle l’habite. Son « Infinity Club II » n’est pas un sanctuaire, c’est un champ de tension. Entre héritage et futur, entre douceur et rage, entre silence et saturation.
Format album justifié
Ce qui frappe enfin, c’est la cohérence d’ensemble. Malgré la diversité des collaborations, des ambiances et des tempos, l’album tient d’un bloc. Il suit une courbe, presque cinématographique. On sent une dramaturgie, un fil invisible qui relie chaque morceau — un souffle. Comme si l’artiste avait pensé ce projet non comme un alignement de titres, mais comme une œuvre. Un disque qui se vit d’une traite, sans sauter, sans zapper. Une expérience.
« Infinity Club II » est peut-être l’un des projets électroniques les plus importants de ce premier semestre 2025. Non pas pour sa virtuosité technique (quoiqu’elle soit bien réelle), mais pour ce qu’il incarne : une génération d’artistes qui refusent de choisir entre engagement et plaisir, entre forme et fond, entre la rue et le musée.