Près de 73 % des clubbeurs souffrent de lésions auditives irréversibles. Entre basses assourdissantes et prévention insuffisante, la nuit a un prix que beaucoup ignorent encore
Les corps dansent, les basses martèlent, et les décibels s’écrasent sur les tympans comme une vague qui ne se retire jamais vraiment. Depuis des décennies, la nuit vibre au rythme d’une démesure sonore dont les dégâts s’accumulent en silence. Une récente étude de Life is Loud publiée par Noise & Health et relayée par Resident Advisor et Tsugi vient de mettre en lumière une vérité que beaucoup préfèrent ignorer : aller en club, c’est aussi jouer avec son oreille au risque de lésions auditives.
Les chiffres sont sans appel. Selon cette enquête menée auprès 3 516 habitués des clubs, dont le profil type est un homme britannique âgé de 26 à 30 ans, 73 % souffrent de symptômes auditifs irréversibles. Acouphènes persistants, hypersensibilité sonore, jusqu’à la dépression ou la démence, une oreille qui siffle quand tout s’éteint. Un mal sourd, au propre comme au figuré, qui ronge l’insouciance des danseurs.
Une exposition trop intense
Les salles électro et les clubs techno affichent des niveaux sonores compris entre 98 et 112 décibels (db). À ce volume-là, l’Organisation mondiale de la santé est formelle : au-delà de quinze minutes d’exposition à 100 db, l’oreille commence à se détériorer. Or, les fêtards restent cinq à six heures par nuit sous cette avalanche de fréquences. Il n’y a pas de suspense, juste une certitude : ces excès ont un prix.
Le pire, c’est qu’il n’y a pas de barrière d’âge. Ce ne sont pas les vétérans du dancefloor qui trinquent le plus, mais bien les jeunes adultes, ceux qui façonnent la nuit et l’arpentent chaque week-end. La musique, perçue comme une liberté absolue, devient un piège sonore dont on ne sort pas indemne.
Une prévention en souffrance
Face à ce constat, la prévention peine à s’imposer. Certes, certains clubs proposent des bouchons d’oreilles, mais leur adoption reste marginale (32,3% des interrogés). À peine un tiers des fêtards les utilisent. Beaucoup les jugent inconfortables, voire incompatibles avec la perception du son recherché. Faire des pauses auditives ? 38,5 % le font. Vérifier le volume avant d’entrer ? 5,9 % y pensent. Résultat : les dégâts se creusent et les diagnostics tombent souvent trop tard.
Dans un contexte où la santé mentale est déjà un sujet central, l’impact de ces troubles auditifs ne peut être négligé. Les acouphènes sont l’un des facteurs de risque de la dépression et de l’anxiété. Plus insidieux encore, ils s’imposent comme une contrainte quotidienne, un bruit parasite qui s’invite dans chaque instant de silence.
Une alerte pour le futur
La question n’est plus de savoir si les clubs doivent agir, mais quand et comment. Pour exister durablement, la nuit devra apprendre à protéger ceux qui la font vivre. Loin d’un simple débat technique, c’est un enjeu de santé publique. Car si la musique a toujours eu pour vocation d’unir, elle ne devrait jamais devenir un poison que l’on ne peut plus arrêter d’entendre.
A noter que le 13 mars prochain, l’Association Nationale pour l’Audition organisera la 28ᵉ édition de la Journée Nationale de l’Audition. Des tests de dépistage auditif gratuits seront proposés dans toute la France, offrant une opportunité aux clubbeurs de vérifier leur santé auditive et de prendre conscience des risques liés à l’exposition prolongée à des niveaux sonores élevés.