En 2024, les Français ont écouté 18h48 de musique par semaine, un record. Streaming, réseaux sociaux, radio en recul : les habitudes évoluent.
Il y a des chiffres qui résonnent comme des refrains familiers, des indicateurs du rapport du Snep (Syndicat national de l’édition phonographique) qui racontent, mieux que de longs discours, l’état d’une nation en musique. En 2024, le temps d’écoute des Français a atteint un sommet inégalé : 18h48 par semaine, soit l’équivalent de quarante jours et quarante nuits par an passés les écouteurs vissés aux oreilles ou les enceintes en alerte. Une progression de 42 minutes en un an, qui s’inscrit dans une tendance lourde : en cinq ans, l’augmentation atteint cinq heures. On le pressentait, on le constate : la musique est plus que jamais un métronome du quotidien.
Les jeunes à fond, la radio à la peine
Derrière cette moyenne générale, les écarts sont abyssaux. Chez les 15-24 ans, l’engagement est d’une autre nature : 24h48 par semaine, plus d’une journée entière consacrée à la musique sous toutes ses formes. Pour cette génération, l’écoute est immersive, permanente, multitâche. TikTok et les réseaux sociaux s’imposent désormais comme des plateformes d’écoute à part entière, captant 6h48 par semaine, soit deux fois plus que la moyenne nationale.
En face, la radio tente de sauver les meubles. Si l’auditoire global maintient un niveau honorable avec 4h18 d’écoute musicale hebdomadaire, la dégringolade chez les jeunes est vertigineuse : seulement 1h42 par semaine, un effacement progressif qui rappelle celui de la presse papier. Les générations se croisent, mais ne se ressemblent plus.
Le streaming, roi des usages
En tête de la consommation musicale, le streaming audio s’impose comme le réflexe absolu, absorbant près de six heures par semaine en moyenne. Chez les jeunes, le chiffre grimpe à 10h30. Payant ou gratuit, l’accès illimité à des catalogues sans fin a transformé les pratiques, rendant presque obsolètes les anciens modèles. Dans ce contexte, la musique est partout, mais elle se diffuse différemment : par petites touches, en playlists automatiques, en recommandations algorithmiques.
Derrière l’apparente prospérité du secteur, une question persiste : à force d’être omniprésente, la musique ne devient-elle pas une simple bande-son de fond, une consommation passive qui ne laisse que peu de place à l’expérience intime et à l’écoute attentive ?
Un lien qui se transforme
Le rapport à la musique se modifie, et avec lui, son impact sur la culture. Si les Français écoutent plus que jamais, c’est souvent dans des formats fragmentés, conditionnés par l’instantanéité et le zapping permanent. Loin des écoutes religieuses d’albums en intégralité, l’époque est à la consommation effrénée de singles et de trends virales.
Le Snep, qui dresse ce constat, insiste sur un défi majeur : comment transformer cette quantité éclectique en une relation plus durable avec la musique et ses artistes ? Comment faire en sorte que le flot ininterrompu ne noie pas l’essence même de ce qui fait une carrière, une trajectoire musicale, une émotion vécue ?
En attendant, les Français n’ont jamais autant écouté de musique. Reste à savoir s’ils l’écoutent vraiment.