L'artiste 747 a sorti son premier album en 6 ans, Pacific Spirit.
Aquaregia

CHRONIQUE. Pacific Spirit : quand 747 troque l’acid pour une épopée break

Publié le 31 juillet 2025

Six ans après son dernier album, 747 revient avec Pacific Spirit, un virage break et introspectif, inspiré par Vancouver et habité par la brume.

Six ans après son dernier album studio, le producteur canadien 747 – alias Ryan Chan – sort de l’ombre avec Pacific Spirit, un disque audacieux et profondément personnel, paru ce 26 juillet 2025 sur le label Aquaregia. Loin de l’acid techno linéaire et mélancolique qui avait fait sa renommée avec le classique Aurora Centralis en 2017, le musicien s’aventure ici dans une direction nouvelle, pleine de ruptures rythmiques, de nostalgie liquide et d’introspection nébuleuse.

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Un virage jungle plein de nuances

747 n’a jamais été un simple producteur d’acid techno. Son travail a toujours trahi une sensibilité mélodique, une recherche d’atmosphères. Sur Pacific Spirit, cette recherche s’élargit, se densifie, change d’horizon. Inspiré par sa ville natale de Vancouver, par ses forêts humides et ses ciels laiteux, Chan plonge dans un bain d’influences breakbeat et jungle, avec des éclats de trance 90s, tout en gardant son acide fétiche : la 303 serpente toujours en fond, mais il est ici plus joueur, moins autoritaire.

L’album ne s’impose pas comme un manifeste club, mais plutôt comme une fresque de paysages mentaux. Les neuf morceaux se construisent par contrastes : nappes ambient contre rythmiques fracturées, lignes de basse brumeuses contre percussions précises, mélancolie contre euphorie contenue. Un équilibre subtil qui fait toute la force du disque.

Un voyage intime, sans climax forcé

Dès le morceau d’ouverture, on comprend que Pacific Spirit est un album qui prend son temps. Les intros sont longues, souvent texturées comme un brouillard sonore. Puis viennent les breaks, parfois chaotiques, jamais gratuits. On sent une volonté d’échapper au format, de désapprendre les codes du dancefloor tout en les gardant à portée d’oreille. Le rythme n’est jamais imposé, il est proposé.

L’ensemble évoque autant le souvenir d’une rave que le silence d’un matin pluvieux. On pense à l’école de Berlin, à la tension froide de certains disques de Delsin ou Modern Love, mais aussi à l’énergie jungle des pionniers anglais, et à la lumière trance de labels comme Eye Q ou Platipus. Un patchwork maîtrisé, jamais pastiche, toujours sincère.

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Le disque-objet, entre code et matière

À l’heure du tout digital, Pacific Spirit se distingue aussi par son format physique. Chaque vinyle de l’édition limitée à 300 exemplaires est unique, orné d’une œuvre générative conçue par 747 et Emily Nicoll en partenariat avec la plateforme Art Blocks. Pas une simple pochette, mais une série algorithmique issue d’un code aléatoire, qui transforme chaque disque en pièce d’art autonome.

Ce geste n’est pas anecdotique. Il prolonge l’intention de l’album : brouiller les frontières entre passé et futur, entre club et musée, entre souvenir et invention. Pacific Spirit n’est pas seulement un retour musical ; c’est aussi un « statement » plastique, une réponse subtile aux formes figées de la musique électronique contemporaine.

Une nouvelle ère

Pour les fans de la première heure, ce virage pourra surprendre. Mais pour qui suivait les signaux faibles des derniers sets de 747, l’évolution semblait déjà en cours. Pacific Spirit n’efface rien. Il reconstruit, à partir des racines, un langage plus fluide, plus libre. Ryan Chan y signe peut-être son disque le plus personnel, le plus contemplatif aussi, mais sans jamais sombrer dans le confort de l’intime.

Un disque brumeux, exigeant, généreux, à écouter comme une randonnée solitaire en forêt. Ou comme le souvenir d’un set rêvé, dans une warehouse qu’on n’a jamais quittée.

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