"Banger", le film de So Me, est sorti aujourd'hui. Crédits : Steve Ney/Netflix
Steve Ney / Netflix

Banger : la comédie électro de So Me vaut-elle le détour ?

Publié le 2 avril 2025

Vincent Cassel en DJ has-been, Mister V en rival arrogant, une mission d’infiltration et peu de BPM : « Banger » promettait gros, mais reste en sourdine.

Parfois, un nom suffit à éveiller la curiosité. Quand on apprend que « Banger », premier long-métrage de So Me (Bertrand de Langeron), graphiste historique d’Ed Banger et faiseur d’images pour Justice ou MGMT, débarque sur Netflix, on se dit : enfin un film qui va parler de la musique électronique sur lequel on va aussi pouvoir se marrer — une comédie qui connaît son sujet, ça ne court pas les plateformes. L’espoir était permis. Et puis, Vincent Cassel en DJ largué, Mister V en superstar arrogante, Laura Felpin en agent de la DGSI, tout ça sur fond d’infiltration, de rivalité, de come-back impossible. Sur le papier, un mashup improbable entre OSS 117, Human Traffic et un épisode de Dix pour cent. Sur l’écran, pourtant, la formule fait pschitt.

Scorpex, vieux lion sans dents

Cassel joue Scorpex, un ex-DJ mythique des années French Touch, dont les vinyles ne font plus lever grand monde depuis bien longtemps. Le genre de mec qu’on croise aujourd’hui en train d’essayer de brancher sa clé USB sur une table Pioneer sans comprendre le menu. L’époque l’a largué. Pire, elle l’a remplacé : Vestax (Mister V), son rival, fait des millions de streams avec des morceaux calibrés pour les stories Insta. Et voilà Scorpex qui accepte une mission de la DGSI pour infiltrer le réseau de son rival, soupçonné d’être lié à une mafia russe. On y croit à moitié. Le film non plus.

La première partie promet pourtant. Le regard porté sur le DJ ringard est juste, cruel parfois, drôle souvent. Scorpex ne comprend plus rien : ni les codes, ni les sons, ni les algorithmes qui fabriquent les hits d’aujourd’hui. Il vit dans un musée mental où Daft Punk serait encore en tournée et où les clubs ferment à 10h du matin, pas à 2h30.

Le problème, c’est que ça ne décolle jamais

On attend le moment où le film va monter en puissance, devenir barré, lâcher les chevaux. Ce moment ne vient pas. « Banger » reste sage, trop linéaire. La comédie annoncée tourne à la gentille satire, les scènes d’espionnage tombent à plat, et les punchlines se font rares. Là où on espérait un trip sous acide, on se retrouve avec une petite bière tiède au fond d’un club mal éclairé.

Le film avance sur un rythme plat, loin du BPM promis. Les scènes de club sont trop propres, trop mises en scène, jamais viscérales. So Me connaît son sujet — et ça se voit dans les décors, les visuels, les clins d’œil — mais cette connaissance ne suffit pas à injecter de la tension ou du groove dans l’ensemble.

La musique électronique en arrière-fond d’un monde qui l’a banalisée

La plus grande frustration de « Banger », c’est sa bande-son. Ou plutôt son absence de vraie bande-son marquante. Quand on voit So Me aux commandes, on imagine un univers sonore pensé, maîtrisé, référencé. À la place, on a quelques nappes, quelques beats, quelques tracks posées là comme des fonds d’écran. Aucun moment ne sonne vraiment fort. Rien n’explose. Rien ne vibre.

Et c’est peut-être ça, au fond, la vraie métaphore du film. La musique électronique n’est plus un moment, c’est un fond. Elle est partout — dans les pubs, les défilés, les magasins Zara, les stories de brunch. Le film en parle sans le dire, sans le vouloir peut-être : l’électro s’est diluée dans la culture dominante. Plus subversive, plus transgressive, elle est devenue… normale.

« Banger » en parle en creux. Scorpex ne se bat pas juste contre un rival ou une mafia russe. Il se bat contre l’oubli, contre l’algorithme, contre un monde où les DJ n’ont plus besoin de savoir mixer pour cartonner, mais finit par comprendre qu’il doit céder sa place à la nouvelle génération, celle de sa fille, Toni, autrice du fameux « banger ».

Casting cinq étoiles, groove au ralenti

Impossible de ne pas saluer la distribution : Cassel, excellent en loser magnifique. Felpin, drôle sans forcer. Mister V, à l’aise dans un rôle un peu trop écrit. Kavinsky, Katerine, Pascot, Payet… la liste est belle, mais ne suffit pas à sauver un scénario qui joue sur les clichés sans les détourner. On aurait rêvé d’un film qui s’empare de ses personnages pour les faire imploser. Mais « Banger » préfère rester au niveau du clin d’œil. Ce n’est pas mal, mais c’est loin de l’ambition qu’il affichait.

« Banger », c’est l’histoire d’un banger qui ne vient jamais. L’histoire d’un monde où même les tubes ne font plus vibrer. C’est bien casté, plutôt bien vu, parfois drôle, mais ça reste coincé dans le médium. Un film qui se regarde, mais qui ne s’écoute pas. Et pour un film sur les DJ, c’est quand même un drôle de paradoxe.

Lire aussi. Boiler Room sort du silence et affirme son engagement pro-Palestine après son rachat par Superstruct (KKR)

Partagez cet article :)

Ses réseaux

instagram

Youtube

Plus de Banger, Ed Banger, film, Laura Felpin, Mister V, So Me, Vincent Cassel