Mac Declos a sorti Nothing Stands Still, un album intime et audacieux, né entre Paris, Londres et Mexico, où le temps et la famille guident sa vision. Rencontre.
Tu as déjà sorti un premier album et plusieurs EP remarqués. Comment vois-tu ton évolution depuis Hard Work Always Pays Off ?
Je sens que j’ai gagné en maturité, en tant qu’artiste mais aussi en tant que personne. Quand j’ai sorti cet album, j’avais 23 ans. J’étais encore en construction, dans ma vie perso comme dans ma carrière. Nothing Stands Still reflète un moment où je me sens adulte, affirmé, après avoir traversé beaucoup de choses sur le plan personnel comme professionnel.
Ton nouvel album s’intitule Nothing Stands Still. Explique-nous ce titre.
Je voulais travailler sur la notion de temps. « Nothing Stands Still », ça veut dire que rien ne reste figé : le temps passe, les choses bougent, on évolue aussi en tant qu’artiste. Ça fait bientôt dix ans que j’ai eu mon premier gig et je voulais me poser des questions plus profondes : pourquoi je fais de la musique ? Pour moi, c’est une manière de laisser une trace, de faire en sorte que mon art perdure après ma mort. C’est pour ça que les collaborations avec ma maman, mon papa ou même mon neveu sont si importantes : elles scellent quelque chose à jamais.
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Tu parles aussi d’« archives du futur »...
Oui, c’était même une idée de titre pour l’album et un axe de recherche pour la cover. Je voyais ce disque comme un artefact, une archive du futur. Tout va plus vite qu’il y a cinq ans : la consommation de musique, de nourriture, même les voyages. On peut se faire livrer en dix minutes ou traverser le monde en quelques heures. J’avais besoin de ralentir et de réfléchir : comment j’ai évolué en tant qu’artiste, comment mes goûts musicaux ont changé, quelle musique je joue aujourd’hui par rapport à hier.
Musicalement, on retrouve une base techno et house, mais aussi des influences ambient, voire pop. C’était une prise de risque assumée ?
En réalité, j’ai toujours fait ce type de morceaux mais je ne les avais jamais sortis. J’ai commencé à aller vers un registre plus multi-genres après mon live avec François X, juste après le Covid. Avec mes parents musiciens, j’ai toujours eu d’autres influences que l’électronique pure. Sortir un titre pop à la fin de l’album, ce n’est pas un statement, mais clairement une prise de risque. Je savais que ça surprendrait.
Tu as composé entre Paris, Londres et le Mexique. Ces lieux se ressentent-ils dans la musique ?
Complètement. À Londres, j’ai eu accès au studio de Noatune pendant trois jours et ça m’a permis d’avancer très vite. Au Mexique, j’étais en vacances, donc je bossais au casque, mais j’ai esquissé plusieurs titres là-bas, dont Nothing Stands Still qui contient même des samples d’oiseaux enregistrés sur place. À Paris, j’ai travaillé au Red Bull Studio, à Question de Son, et dans mon studio à Pantin. Chaque lieu a imprimé son ambiance.
Au final, combien de temps t’a pris cet album ?
J’ai commencé à creuser le concept entre décembre et juillet. Neuf morceaux ont été réalisés dans cette période, même si certains, comme Sexiness, datent d’un ou deux ans. Une fois l’idée claire, ça a avancé vite. J’avais eu un blocage après mon premier LP sur Mama Told Ya, notamment à cause d’un rythme de tournée intense. En janvier, j’ai pris trois semaines de vacances au Mexique : ça m’a débloqué. J’ai composé cinq morceaux en trois semaines et j’ai enchaîné dans la foulée.
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Tu as invité tes parents et ton neveu. Qu’est-ce que ça a changé pour toi ?
Au départ, je voulais travailler avec une chanteuse, puis je me suis dit : pourquoi chercher ailleurs alors que ma maman est chanteuse ? Pareil pour la guitare : j’ai demandé à mon papa. Quant à mon neveu, c’est venu d’un vocal que mon frère m’avait envoyé et que j’ai samplé. Avec eux, il n’y a aucune pression : tout est honnête. Si ma maman n’aime pas un passage, elle me le dit. Mon papa pareil. C’est la première fois qu’ils apparaissent sur un projet techno signé Mac Declos, mais pas la première fois qu’on joue ensemble : on avait déjà un projet familial, Doona Rolls, avec lequel on a fait la première partie de Earth, Wind & Fire.
Tu as aussi travaillé avec Anetha. On peut dire que cet album est familial, au sens large ?
Complètement. Il y a ma famille de sang, mais aussi la famille de cœur que j’ai trouvée chez Mama Told Ya. On partage les mêmes valeurs, la même vision de la vie et de la musique. Quand je leur ai parlé du projet, ils ont tout de suite compris et soutenu. Je ne suis pas sûr qu’un autre label aurait poussé la démarche aussi loin.
Tu viens aussi de la danse hip-hop et contemporaine. Est-ce que ça influence encore ta manière de produire et de mixer ?
La danse m’a donné une lecture différente du rythme et des cycles. Quand je mixe, je sens intuitivement quand les éléments vont arriver : un hi-hat, une basse, une montée… C’est physique. Dès mes débuts, ça m’a permis de caler naturellement mes transitions et de donner une fluidité à mes sets. Je pense que ça m’aide aussi à produire plus vite : j’entends déjà où un élément devrait arriver. Mais ce qui compte le plus, ce sont les idées.
Tu as joué un peu partout, y compris à Séoul, Singapour ou Taipei. L’Asie t’a marqué ?
Beaucoup. La scène de Taipei, notamment le club Pawnshop, m’a bouleversé : l’énergie, la sincérité des gens, cette manière de vivre le clubbing comme une nécessité. Là-bas, la fête garde une dimension de contre-culture, presque vitale. En Europe, aller en club est devenu banal pour beaucoup, et ça fait perdre un peu de magie.
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Tu as aussi participé à Section, une nouvelle série de streams à Londres.
Oui, lancée par Bessie et Ollie du collectif TechCouture. L’idée : un DJ au centre, le public tout autour. C’est brut, immersif, sans artifices, et ça met en avant l’énergie collective. Ce que j’adore, c’est que ça réunit la communauté hors du cadre habituel des clubs. Les gens viennent en semaine, autour d’un verre, et voient les DJs de très près. C’est une expérience unique, que je n’avais encore jamais vécue.
Si tu devais faire découvrir ton album à quelqu’un qui n’écoute jamais d’électro, par quel morceau commencerais-tu ?
Interlude 2, le morceau avec ma maman. C’est le plus personnel, et comme pour moi la musique électronique est avant tout intime, ça peut être une bonne porte d’entrée.
Et ton track chouchou ?
All Is Told By, le dernier morceau de l’album. Il surprend toujours : certains n’imaginent même pas que ce soit moi derrière. C’est une prise de risque, mais aussi un rêve accompli. Travailler avec des chanteurs et chanteuses, c’est une direction que je veux développer.
Le joues-tu en club ?
Pas forcément. Quand je suis derrière les platines, je joue surtout les morceaux des autres. C’est comme un vigneron : il fait son vin, mais quand il boit, il goûte celui des autres. Je connais ma musique, donc je la joue surtout si ça a vraiment du sens.
Enfin, tu dis souvent que « rien ne reste immobile ». Arrives-tu à t’arrêter parfois ?
Jamais (rires). La semaine dernière, j’ai fait Paris, Londres, Berlin. Ce week-end : Francfort et Athènes. Ensuite l’Australie, l’Amérique du Sud, puis une tournée aux États-Unis. Impossible de rester immobile. Mais c’est le bon moment de ma vie pour ça. À 40 ou 50 ans, je n’aurai plus ce rythme. Aujourd’hui, je profite à fond.
Es-tu soulagé que l’album soit enfin sorti ?
Oui, c’est un vrai poids en moins. La sortie a été intense : voir l’album en ligne, recevoir les vinyles, ça m’a fait un effet que je n’avais jamais ressenti. J’ai mis tellement de moi-même dans ce disque qu’il y a eu un vrai choc émotionnel le jour de la release.