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Spotify : des titres générés par l’IA apparaissent sur les pages d’artistes décédés

Publié le 23 juillet 2025

Des morceaux générés par IA ont été publiés sur les pages Spotify d’artistes décédés, sans autorisation. Une dérive révélée par le dernier rapport de 404 Media.

C’est une enquête publiée par le média américain 404 Media qui a mis le feu aux poudres : plusieurs morceaux entièrement générés par intelligence artificielle ont récemment été publiés sur les pages Spotify officielles d’artistes décédés, sans autorisation ni mention explicite de leur origine. Ces ajouts ont été réalisés à l’insu des ayants droit, créant un malaise croissant dans le monde de la musique.

Parmi les cas les plus frappants, on trouve celui de Blaze Foley, chanteur folk américain mort en 1989. Un morceau intitulé « Together », inconnu du catalogue de l’artiste, est apparu sur sa page Spotify officielle, illustré par une pochette générique et publié sous un label nommé Syntax Error. Interrogé par 404 Media, Craig McDonald, manager du label indépendant Lost Art Records, détenteur du catalogue de Foley, a confirmé que ni lui ni la famille de l’artiste n’avaient autorisé la publication de ce titre : « Ce morceau n’a absolument rien à voir avec Blaze. Ce n’est pas du tout son style. C’est un machin IA de bas étage. »

Peu après, un autre titre attribué au chanteur-compositeur Guy Clark, décédé en 2016, a brièvement été repéré avant d’être supprimé. Spotify a indiqué avoir retiré ces morceaux en raison d’une infraction à ses règles sur le contenu trompeur, mais sans donner davantage de détails.

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Une faille dans le système de distribution ?

L’affaire soulève de nombreuses interrogations sur les conditions de publication de contenu sur les plateformes de streaming. Les morceaux en question auraient été distribués via SoundOn, le service de distribution musicale lancé par TikTok, sans que des mécanismes de vérification ne bloquent leur ajout aux pages d’artistes vérifiés. Le nom du pseudo-label Syntax Error n’apparaît dans aucune autre publication connue, renforçant l’hypothèse d’une tentative de manipulation.

Si les morceaux ont été rapidement retirés, leur simple présence, même temporaire, sur les profils officiels de musiciens reconnus révèle un problème structurel : l’absence de contrôle automatisé ou humain capable de distinguer un contenu légitime d’une imitation produite artificiellement.

Une question d’éthique et d’héritage artistique

Au-delà de l’aspect technique, la situation soulève des questions éthiques majeures. Publier des œuvres artificielles sur les profils d’artistes décédés revient, en apparence, à exploiter leur image posthume sans leur consentement, ni celui de leurs ayants droit.

Dans un secteur déjà confronté à l’émergence des deepfakes vocaux et des clones de voix, l’affaire marque un tournant. Elle brouille la frontière entre hommage, imitation et manipulation. Pour les familles et les maisons de disques, l’enjeu est double : protéger un héritage artistique et garantir une intégrité curatoriale des catalogues.

Craig McDonald l’exprime ainsi : « C’est dommageable pour l’image de Blaze. Spotify pourrait stopper cela très vite s’ils le souhaitaient. Il est surprenant qu’il n’existe pas encore de protection spécifique pour ce genre de cas. »

Des précédents et un contexte trouble

La découverte de ces morceaux s’inscrit dans un climat de défiance croissante envers les contenus générés par IA. En juin dernier, le projet Velvet Sundown, groupe de rock fictif ayant cumulé plus d’un million d’auditeurs mensuels sur Spotify, s’est révélé être une création totalement artificielle, incluant des membres inventés, des visuels générés et des chansons composées par IA.

De nombreuses études montrent que les plateformes sont envahies de contenus de ce type : selon Deezer, plus de 20 000 morceaux générés automatiquement sont mis en ligne chaque jour. La majorité passent sous les radars, profitant de systèmes de distribution ouverts et d’une absence de régulation sectorielle.

Spotify, pour sa part, ne bannit pas les morceaux produits par intelligence artificielle — sauf lorsqu’ils enfreignent ses politiques sur l’identité trompeuse ou les droits d’auteur. Aucun système de labellisation n’est actuellement en place pour avertir l’auditeur qu’un titre est issu d’un générateur.

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Vers une réponse du secteur ?

Face à cette situation, plusieurs pistes émergent. Certains chercheurs et labels plaident pour un marquage obligatoire des contenus IA, tandis que d’autres appellent à un encadrement juridique clair, notamment en matière de droits posthumes et de consentement numérique. Des outils de détection automatique de voix clonées sont également en cours de développement.

L’affaire révélée par 404 Media agit donc comme un signal d’alarme : à mesure que les outils d’IA progressent, le risque de brouillage entre œuvre authentique et création simulée grandit. Et si le marché ne s’autorégule pas, les artistes — vivants ou non — pourraient devenir les premières victimes d’un système devenu incontrôlable.

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